Lors de l’expatriation d’un salarié dans une des filiales étrangères de la société mère, son départ doit se préparer, mais également, son retour ! L’employeur rapatriant un salarié – quelle qu’en soit la cause – doit lui faire une offre sérieuse de reclassement (i.e. une offre aussi proche que possible du poste qu’il occupait avant son départ). Ne pas l’anticiper peut coûter cher à l’entreprise.
A l’issue d’une expatriation d’un salarié dans une filiale étrangère, l’employeur doit le réintégrer. En effet, lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions[1].
Ainsi, outre une obligation de rapatriement, la société mère a une obligation de maintien d’emploi.
A cet égard, dans cette hypothèse, un contrat persiste avec la société mère de manière fictive. La Cour de cassation l’expose clairement : « l’obligation à la charge de la société mère ne concerne que les relations entre celle-ci et le salarié qu’elle met à disposition, peu importe que le contrat conclu entre ce dernier et la filiale ait été soumis au droit étranger »[2].
En effet, la loi ne demande pas qu’un contrat de travail entre le salarié et la société mère soit maintenu, les obligations de cette dernière naissent de la rupture du contrat de travail du salarié avec la filiale, et cela quelle qu’en soit la cause[3].
La Cour de cassation réaffirme que l’obligation légale d’emploi n’est pas une simple obligation de moyens de reclassement (c’est-à-dire obliger simplement l’employeur à chercher s’il y a des postes disponibles), mais d’une obligation de réintégration de résultat[4] (obligeant donc l’employeur à trouver un poste au salarié rapatrié).
La proposition de reclassement doit être précise et sérieuse
Si un salarié mis à la disposition d’une filiale étrangère avec laquelle il a conclu un contrat de travail, est licencié par celle-ci, l’employeur d’origine (i.e. la société mère en France), doit le rapatrier et le réintégrer dans un poste identique.
Si le poste n’est plus disponible (supprimé ou occupé par un autre salarié), l’employeur doit proposer un poste similaire à celui que le salarié occupait avant son départ à l’étranger[5]. Le poste récupéré doit donc être le plus proche possible de l’ancien, il doit être équivalent en termes de :
- Qualification professionnelle ;
- Responsabilités ;
- Rémunération ;
- Perspectives de carrières.
L’offre de réintégration alors formulée se doit d’être précise et sérieuse, respectant toutes les conditions ci-dessus énoncées. A défaut, l’employeur sera réputé ne pas avoir rempli ses obligations. Le salarié pourrait donc s’en saisir pour prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur ou solliciter, devant le Conseil de prud’hommes, la résiliation judiciaire de son contrat.
A défaut de reclassement sérieux, l’employeur doit maintenir le salaire
Si aucune offre sérieuse, précise et compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société d’origine n’est proposé au salarié, la société mère est tenue de rémunérer ce dernier en lui versant son salaire (majoré, le cas échéant, des augmentations collectives) et les accessoires de rémunération du dernier emploi, jusqu’à la rupture de son contrat de travail[6].
Quel salaire l’employeur prend-il en compte pour le maintien ?
Pour le juge, lorsque la société mère ne réintègre pas le salarié après son licenciement, les indemnités de rupture auxquelles il peut prétendre doivent être calculées sur la base de son dernier salaire (i.e. celui perçu au sein de la filiale étrangère)[7].
A cet égard, le montant des indemnités de préavis, de congés payés y afférents, de licenciement, mais également les dommages et intérêts dus au titre du caractère injustifié du licenciement doit être déterminé sur la base du salaire d’expatriation au sein de la filiale[8].
Attention, sont néanmoins écartées de la base de calcul les indemnités compensatrices de frais liés à l’expatriation[9] et le salarié ne peut cumuler les indemnités de ruptures étrangères et françaises pour une même période de travail[10] sauf à ce que cela ait été prévu contractuellement[11].
Enfin, certaines conventions collectives peuvent prédéterminer et limiter la base de calcul de l’indemnité de licenciement prévue : certaines excluent l’indemnité d’expatriation et la prime d’épargne expatriation du calcul[12].
[1] C. trav. Art. L. 1231-5
[2] Cass. Soc., 30 mars 2011, n° 09-70.306 : JurisData n° 2011-004878 ; JCP S 2011, note Y. Pagnerre
[3] Cass. Soc., 26 mai 2016, n° 15-12.448
[4] Cass. Soc., 21 novembre 2012, n° 10-17.978 : JurisData n° 2012-026457 ; JCP S 2013, p. 1113, note Y. Pagnerre
[5] Cass. Soc., 9 janvier 2013, n° 11-17.960
[6] Cass. Soc., 20 octobre 2016, n° 15-17.526 : JurisData n° 2016-021611
[7] Cass. Soc., 14 octobre 2020, n° 19-12.275 : Jurisdata n° 2020-016323
[8] Cass. Soc., 20 octobre 2016, n° 15-17.526 ; 27 octobre 2004, n° 02-40.648 : JurisData n° 2004-025392 ; 4 décembre 1985, n° 83-41.913 : JurisData n° 1985-703048
[9] Cass. Soc., 28 février 1973, n° 72-40.025
[10] Cass. Soc., 18 juillet 2000, n° 97-45.043 : JurisData n° 2000-003241 ; 20 février 1993, n° 89-43.873
[11] Cass. Soc., 20 novembre 1991, n° 88-44.587
[12] Cass. Soc., 29 janvier 1997, n° 94-45.309 : JurisData n° 1997-000326