Le 15 décembre 1995, la Cour de justice de la Communauté européenne (qui deviendra, en 2009, la Cour de justice de l’Union Européenne) a rendu un arrêt crucial, dit « Bosman », pour la liberté de circulation des travailleurs telle que nous la connaissons aujourd’hui.
L’arrêt Bosman[1] a été rendu dans une affaire concernant un footballeur professionnel (salarié) et son club (employeur). Inutile de le rappeler : l’expatriation est monnaie courante dans le monde du football[2].
Nous nous servons de l’apport de cet arrêt pour faire le point sur le sujet.
Qu’est-ce que l’arrêt « Bosman » nous dit ?
Pour quelques éléments de contexte, l’affaire correspondait à Monsieur Bosman, joueur de football belge, en fin de contrat avec son club. Son contrat arrivant à son terme, il disposait donc, en théorie, de la possibilité de signer dans le club de son choix ? Et non.
A l’époque, seule une indemnité de transfert pouvait lui permettre de changer de club. Pourtant, il n’était plus lié à celui-ci.
Cette situation, qui paraît impensable dans le monde du travail actuel, était bien en vigueur en 1995.
Il était donc question :
- de la validité des indemnités de transfert en fin de contrat ;
- des règles de quota. Ces règles imposaient aux clubs de limiter le nombre de joueurs étrangers au sein de leur effectif (généralement au nombre de 3). C’est la raison pour laquelle les clubs étaient majoritairement composés de joueurs nationaux.
La CJCE est donc saisie par les avocats de Monsieur Bosman et il lui est demandé de se positionner sur ces deux questions au regard du droit européen.
Dans sa décision, la CJCE oppose à l’instance belge le principe de liberté de circulation des travailleurs qui doit s’appliquer également aux sportifs salariés en ce qu’ils exercent une activité économique.
Le raisonnement de la Cour est relativement simple. Tout d’abord, elle va confronter les dispositions règlementaires nationales au droit de l’Union Européenne. Après avoir constatée une violation de la liberté de circulation des travailleurs, elle procède au test de proportionnalité. Certes, il y a violation du droit européen, mais cette violation n’est-elle pas justifiée par des intérêts légitimes ? La CJCE rejette les motifs invoqués et déclare les deux règles contraires au droit de l’UE.
Conséquence, on assiste, fin 1995, à une explosion des transferts et une internationalisation grandissante des sportifs français, puisque les clubs ne sont désormais plus limités par la règle des quotas des joueurs nationaux.
Liberté de circulation des travailleurs me voilà.
Quid de l’influence de cette décision sur les travailleurs européens en général ?
Si cet arrêt a révolutionné le monde du sport et notamment du football, il se distingue également par son impact sur le droit social européen de manière générale.
Tout d’abord, l’arrêt Bosman instaure une interdiction des entraves à la liberté de circulation des travailleurs, interdictions préalablement restreintes à la libre circulation des marchandises et des prestations de services.
Dès lors, le travailleur, libre de tout contrat, peut conclure un contrat de travail avec un employeur établi au sein de l’Union Européenne, sans risque qu’il ne puisse lui être opposé des droits ou obstacles particuliers en raison de sa nationalité.
Depuis cet arrêt (complétés par des directives et règlements ultérieurs), les États membres ne peuvent plus imposer des restrictions particulières à des ressortissants européens dont les sportifs font évidemment partie intégrante.
Ensuite, la consécration de cette liberté sera accompagnée de celle du droit européen de la sécurité sociale.
Quid des ressortissants des Etats non membres de l’UE ?
Comme le droit européen ne s’applique qu’aux seuls ressortissants d’Etats membres de l’UE, s’est posée la question des sportifs extra-communautaires et par la même de l’ensemble des ressortissants d’un État non membre de l’UE.
Ces travailleurs, du fait de leur nationalité, ne peuvent se prévaloir des effets de l’arrêt Bosman et des dispositions favorables du droit de l’UE, sauf convention d’association ou accord de coopération avec l’UE[3]. Et réciproquement.
Autrement dit, nous vous recommandons de toujours vérifier l’existence de conventions bilatérales selon l’Etat dans lequel vous vous trouvez en expatriation.
[1] CJCE 15 décembre 1995, affaire C-415/93
[2] Rapport mensuel de l’Observatoire du football CIES n°65 – Mai 2021 : L’Observatoire du football CIES a dénombré 946 joueurs expatriés en 2021
[3] CJCE, aff. C-438/00, 8 mai 2003