Dans notre dernier article relatif à la relation de travail à l’étranger, nous nous étions interrogés sur les notions de « détachement » et d’ « expatriation ». Il en découle donc une dualité de statut en matière de sécurité sociale. Une fois cela acquis, l’occasion est donnée de discuter des différentes alternatives contractuelles existantes pour les parties, c’est-à-dire le salarié et l’employeur.
Au contraire d’un contrat de travail classique qui sera soumis aux dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles, le contrat de travail international constitue généralement le seul cadre juridique de la relation de travail.
De ce seul fait, plusieurs recommandations doivent être formulées.
1ère recommandation : bien cerner la situation avant le départ à l’étranger
De manière générale, le salarié envoyé à l’étranger dispose d’ores et déjà d’un contrat de travail en France (1) par opposition avec celui qui est recruté en France pour exécuter sa prestation sur le territoire d’un autre État (2).
1/ Le contrat de travail a été définit par la Cour de cassation comme la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération.
Compte tenu du fait que le salarié travaille habituellement en France, la procédure à respecter dépendra majoritairement de l’existence ou non d’une clause de mobilité géographique et de son contenu.
En l’absence de clause de mobilité géographique ou en présence d’une telle clause dont le champ géographique serait limité (fréquent), l’envoi d’un salarié à l’étranger ne peut que résulter d’une volonté commune des Parties qui devront procéder à une modification du contrat de travail par le biais d’un avenant au contrat de travail ou la conclusion d’un contrat de travail international.
En présence d’une clause de mobilité géographique internationale (plus rare), l’employeur devra scrupuleusement respecter cette clause pour envoyer un salarié à l’étranger. Le salarié ne pourra alors en théorie s’opposer la mise en œuvre de la clause.
2/ La seconde situation ne pose, du point de vue de la modification contractuelle, pas de difficulté particulière puisque le salarié est recruté dans l’objectif exclusif d’effectuer une mission à l’étranger. Il sera nécessaire de vérifier si cette mission est temporaire, durable ou encore mouvante (c’est-à-dire le changement d’un pays à un autre).
2ème recommandation : identifier le cadre de la relation de travail
Une fois que les Parties sont d’accord sur le principe de l’envoi à l’étranger, il revient alors de procéder à la rédaction d’un avenant contractuel ou d’un contrat de travail international.
En pratique, les options sont diverses :
- Lorsque le salarié était déjà en poste en France, les Parties pourront conclure un avenant contractuel qui déterminera notamment la durée de la mission, une période probatoire (et non d’essai), le lieu d’exécution de la mission, la loi applicable, la juridiction compétente, les avantages en nature ou encore les congés payés applicables.
- Il peut également être fait le choix de suspendre le contrat de travail d’origine en France et de procéder à la conclusion d’un nouveau contrat de travail avec l’entreprise qui a vocation à accueillir le salarié. Les salariés auront alors tout intérêt à négocier une clause de réintégration dans l’entreprise d’origine. Bien évidemment, s’il a été fait le choix de rompre le contrat de travail initial, le lien juridique avec l’employeur d’origine disparaitra. Une clause de rapatriement serait alors sans objet…
- En cas de recrutement spécifique pour un envoi du salarié à l’étranger, l’employeur devra seulement opter pour la conclusion d’un CDI ou, si les conditions sont acquises, d’un CDD voire d’un contrat de mission à l’expatriation comme cela peut être envisagé dans certaines branches professionnelles ou entreprises.
- Au sein d’un groupe d’entreprises, il pourra également être envisagé la conclusion d’une convention tripartite entre un employeur A, un employeur B et le salarié.
3ème recommandation : identifier les clauses à intégrer dans le contrat
Précisons que le contrat de travail international (ou l’avenant) se caractérise par une relation de travail entre un salarié et un employeur qui comporte un élément d’extranéité, à savoir un lieu d’exécution du contrat à l’étranger, un lieu d’embauche étranger ou la nationalité étrangère de l’une des parties.
Pour son contenu, les textes légaux ou réglementaires sont peu loquaces. Seules deux sources peuvent être évoquées.
La première : une directive communautaire précise les obligations d’information à la charge de l’employeur (Dir. 91-533 du 14 oct. 1991, art. 2).
La seconde : en cas d’expatriation supérieure à une durée d’un mois, le Code du travail français (à supposer qu’il soit applicable) oblige de définir, dans le contrat, la durée de l’expatriation, la devise servant au paiement de la rémunération, les avantages liés à l’expatriation ainsi que les conditions de rapatriement (C. trav., art. R. 1221-34).
Il s’agit donc de prescriptions minimales.
En pratique, selon les caractéristiques propres à chaque situation et après quelques arbitrages, le contrat de travail international ou l’avenant pourra utilement contenir des clauses telles que :
- L’identification de l’employeur et donc du titulaire du lien de « subordination » ;
- Le sort du contrat de travail français lorsqu’il existe ;
- La loi applicable (voir notre 4ème recommandation) ;
- Les conditions de travail et de vie à l’étranger ;
- Les modalités de rapatriement ;
- La structure de la rémunération ;
- Les clauses relatives à la compétence juridictionnelle ;
- La protection sociale du salarié en cas d’expatriation.
4ème recommandation : définir la législation applicable
C’est un état de fait : au moins deux législations sont susceptibles d’être appliquées à la relation de travail.
Un conflit de lois existe donc entre la législation du pays d’accueil et la législation du pays d’envoi.
Il en résulte de nombreuses incidences sur les règles applicables à la relation de travail et à sa rupture. A titre d’exemple, il est fréquent qu’un salarié sollicite l’application de la législation française du travail, compte tenu de son caractère généralement plus favorable, pour obtenir des indemnités particulières ou pour s’assurer que son éventuel licenciement soit fondé sur une cause réelle et sérieuse. A l’inverse, les principes issus du droit du travail français pourraient légitimer une rupture aux torts de l’employeur français. Faute de précision dans le contrat, il est évident que le débat surgira tôt ou tard.
Alors comment déterminer la loi applicable ?
Au sein de l’Union-Européenne, le règlement européen dit « Rome 1 » invite les Parties à déterminer, elles-mêmes, la loi applicable, pour tout ou partie du contrat de travail. Cette liberté dans le choix initial de la loi applicable peut également être modifié à tout moment (à entendre ici la France).
Reste que cette détermination de la loi ne pourra pas faire obstacle aux dispositions impératives et lois de police de la loi qui aurait été applicable à défaut de choix. En pareille hypothèse, le contrat est régi par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail ou du lieu d’embauche.
En dehors de l’Union-Européenne, il appartient toujours aux Parties de déterminer la loi applicable. Faute de précision dans le contrat, la loi applicable sera en revanche celle du pays d’accueil.
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Oui, la relation internationale de travail peut se révéler être un véritable « casse-tête » lors de sa déclinaison dans le contrat de travail mais le sérieux des Parties sera le gage de la sécurité juridique… les prochains épisodes pourront le confirmer ou non…