Embaucher un enfant artiste : modalités pratiques

L’embauche d’enfants-artistes suscite de nombreuses interrogations sinon une gestion particulière. Cette problématique a été remise récemment sur le devant de la scène de plusieurs manières. D’une part, les enfants sont de plus en plus fréquemment visibles sur les plateformes de partage de vidéos conduisant à légiférer sur ce point[1] (Youtube, Viméo, etc.). D’autre part, le mouvement « Framing Britney Spears »[2] ou, en son temps, l’émoi qui entourait les finances de Jordy Lemoine[3].

L’objectif du présent article est de rappeler concrètement les étapes à suivre pour obtenir le précieux sésame de l’autorisation avant le début du tournage. Un tel rappel est d’autant plus important qu’une loi du 19 octobre 2020 a étendu, à compter du 20 avril 2021, le régime d’autorisation ci-après détaillé aux productions audiovisuelles diffusées sur des plateformes en ligne (Youtube, Vimeo, etc.) pour les enfants dits « influenceurs ». 

Le Code du travail est à la fois très clair et strict sur ce point : un enfant de moins de 16 ans ne peut, sans autorisation administrative (en réalité : préfectorale) préalable, être, à quelque titre que ce soit, engagé ou produit, notamment, dans une entreprise audiovisuelle[4]

Ainsi que nous l’avons soulevé, l’entreprise audiovisuelle doit déposer en amont une demande d’autorisation auprès du Préfet du siège de l’entreprise. Dans l’hypothèse où cette entreprise dispose d’un siège « itinérant » ou situé à l’étranger, la demande d’autorisation est alors présentée devant le Préfet de Paris[5]

Avant de notifier sa décision (d’autorisation, de refus, d’autorisation conditionnée ou d’instruction complémentaire) dans un délai d’un mois, le Préfet devra bénéficier de l’avis conforme d’une commission consultative qui regardera dans le détail le dossier qui lui est présenté. 

Insister sur le fait que cette commission examine « dans le détail » la demande n’a rien d’outrancié.

En effet, à en croire les dispositions réglementaires du Code du travail, il faudrait seulement accompagner cette demande de 4 documents : 

  • une pièce d’identité de l’enfant ; 
  • l’autorisation des parents accompagnés des précédents emplois de l’enfant ; 
  • tout document qui permet d’apprécier la difficulté et la moralité du rôle à jouer ; 
  • toutes les précisions utiles sur les conditions d’emploi et de rémunération.

Pourtant, la terminologie de ce texte et le jeu des renvois d’articles tant appréciés des lecteurs du Code du travail en cette matière imposent d’ajouter des éléments supplémentaires pour permettre à la commission de se prononcer sur le dossier. 

D’abord, si la demande concerne un mineur entre 13 et 16 ans, l’avis favorable écrit de l’enfant devra être transmis. 

Ensuite, les mineurs de moins de 16 ans doivent réaliser un examen médical :

  • par l’intermédiaire de leur médecin habituel dans un cadre classique ;
  • par l’intermédiaire du médecin du travail spécialisé en médecine du travail des artistes et techniciens du spectacle si la demande d’autorisation est présentée en région Ile-de-France 

Cette visite médicale implique d’anticiper au maximum la procédure de demande d’autorisation car elle suit un régime très particulier. 15 jours avant l’examen, les représentants légaux de l’enfant doivent transmettre au médecin, selon les hypothèses : le scénario du film, le rôle, les horaires de travail, les prises de vues envisagées, etc. 

Globalement, le médecin doit être avisé en amont de toutes les conditions d’emploi du mineur pour s’assurer en temps voulu de son consentement éclairé.

Il s’agit donc de la première étape, à l’instar de la « visite médicale d’embauche des salariés », qui conduira le médecin à rendre un avis écrit (favorable ou non) sur l’adéquation entre le profil du mineur et les conditions d’emploi qui lui ont été exposées. 

En conséquence, cet avis du médecin doit être adressé au moment de la demande d’autorisation. 

La complétude du dossier présenté au Préfet et, par la même, à la commission consultative sera déterminante sur les délais applicables et pour mettre toutes les chances de son côté. 

Construisez votre dossier avec sérieux et anticipez, autant que faire se peut, votre demande !

Une fois autorisé, le mineur va pouvoir travailler et toucher une rémunération dont il jouira à terme. 

A ce titre, le Code du travail a réglementé l’usage des rémunération perçues par le mineur dans l’objectif de le protéger. 

La rémunération prévue au contrat du mineur sera donc décomposée en deux parties. 

D’un côté, une partie de la rémunération sera laissée directement à la disposition de ses représentants légaux (les parents). 

De l’autre côté, et selon le montant fixé par la commission prévue par la loi (encore elle), l’autre partie de la rémunération sera consignée auprès de la Caisse des dépôts et des consignations qui va en assurer la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant. 

Cette procédure d’autorisation préalable peut apparaitre relativement complexe et sinueuse dans un contexte où un leitmotiv du législateur est celui de la simplification. Louons néanmoins le fait que les dernières réformes ont facilité, pour l’enfant artiste, la possibilité de jouir à la date de la majorité (ou de l’émancipation) des sommes déposées auprès de la Caisse des dépôts et des consignations sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une nouvelle décision administrative. 

Cet article a été publié le 9 mars dernier sur Ecran-total.fr, revue spécialisée dans le cinéma.


[1] L. n°2020-1266, 19 oct. 2020

[2] Framing Britney Spears, NY Times, 2021

[3] Je ne suis plus un bébé, Jordy Lemoine, 2006 

[4] C. trav., art. L. 7124-1

[5] C. trav., art. R. 7124-1

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